Chroniques
LA PLUME DU FAUCON
Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.
CHRONIQUE
QUESTIONS D’IDENTITÉ : Le malaise efféminé dans la communauté gaie (publiée le 6 juillet 2017)
L’auteur Michel-Marc Bouchard a déjà écrit qu’avant d’apprendre à aimer, les gais apprennent à mentir. Quand j’observe la hargne déployée pour condamner ceux qui font preuve de maniérisme et de «Féminité», j’ai l’impression que les homosexuels apprennent aussi très tôt à haïr. Eux-mêmes et les autres.
Je me déteste chaque fois que j’ose juger les gais plus féminins que moi. J’ai honte de dénigrer ceux qui marchent avec un déhanchement rappelant celui de la femme, ceux qui s’habillent avec des tissus supposément interdits à la gent masculine, ceux qui s’expriment avec un registre vocal plus aigu que la moyenne, un timbre nasillard ou une gestuelle intempestive.
Je m’en veux d’être soulagé en me comparant à eux. Grâce au lot de lucidité dont j’ai hérité, je sais que je n’ai pas l’air d’un mâle alpha qu’on pourrait confondre avec un hétérosexuel. Les passants qui me croisent sur la rue peuvent voir dans ma démarche certains signes laissant entrevoir mes préférences pour les hommes (cette idée semble grotesque, mais quiconque possède un gaydar le moindrement affuté sait de quoi je parle). Il suffit que je rigole avec éclat, que je discute avec vigueur ou que je me laisse porter par un vent de bonne humeur pour que mes mains s’animent de façon légèrement évocatrice.
En contrepartie, je suis propriétaire d’une paire de cuisses et d’épaules qu’aucune femme ne voudrait et je suis beaucoup plus grand que Nicole Kidman, même avec ses talons. Mieux encore, je suis doté d’une voix grave de baryton. Je pourrais simplement affirmer que mon registre me permet d’être agréable à entendre quand je fais de la radio, mais ce serait passer sous silence l’avantage principal qu’il me confère : je ne sonne pas « comme un gai ».
J’ai un haut-le-cœur en relisant ma dernière phrase. Je suis le triste reflet d’une société qui tente de se rassurer en définissant des concepts comme la masculinité et la féminité, avec une série de gestes et de réflexes.
Dès ma naissance, j’ai été conditionné à croire qu’un garçon doit parler/bouger/réfléchir d’une certaine façon et que l’inverse est presque automatiquement associé à l’univers féminin. À mon cinquième Noël, j’ai senti (ou imaginé?) le malaise de quelques membres de ma parenté, le soir où ma marraine m’a offert une maison de Barbies. À ma décharge, me suis-je toujours dit ensuite, je passais autant de temps, sinon plus, à jouer avec mes petites autos, mes camions jaunes et mes G.I. Jos. Donc, si je suis la logique ambiante d’une idiotie sans nom qui dicte ce que doivent aimer les filles et les garçons, j’aurais dû me révéler bisexuel. Ou hermaphrodite!
De toute évidence, l’endoctrinement social ne s’est pas arrêté là. J’ai pris conscience de mon homosexualité à l’adolescence, une époque où la survie dépend de la conformité et de l’appartenance au groupe. Ainsi, comme tant d’autres gais, j’ai tu mes préférences et j’ai tout fait pour contrôler mon non verbal pendant des années.
Pire encore, après ma sortie du placard, j’ai continué de juger intérieurement ceux qui s’éloignaient des modèles approuvés par la société. Comme s’il y avait les mauvais gais, maniérés et féminins, et les bons gais. Ces derniers ayant pour objectif de se rappro-cher de la norme globale, afin de compenser leur non-appartenance à l’hétéro normativité, en rappe-lant à tout le monde que même s’ils sont attirés par les hommes, ils sont quand même normaux/ aima-bles/tolérables, parce qu’ils s’arrangent pour ressembler à des mâââles!
Dans un même ordre d’idée, ceux qui se prétendent de « vrais hommes » s’intéressent généralement à des gais du même acabit. Les applications et les sites de rencontres sont inondés de candidats stipulant qu’ils refusent de parler à des gars dits féminins. La plupart des mâââles affirmeront que leurs goûts personnels ne se discutent pas. Mais ont-ils déjà pris le temps d’analyser l’origine de leurs préférences? Ne réalisent-ils pas que la société (parents, amis, école, publicités, films, émissions de télé) oriente leurs perceptions de la masculinité et des icônes de beauté? Bien que les êtres humains soient dotés d’un libre arbitre et qu’une personne puisse être attirée par les gens en surpoids, alors que la norme sociale prône qu’il faille préférer les minces et leur ressembler, au même titre qu’on peut vouloir correspondre aux clichés masculins et coucher avec eux… ces gais ont été contaminés par les paradigmes du monde extérieur.
Au fond, cette attitude anti efféminé ne serait-elle pas une forme différente, insidieuse, mais non moins répréhensible d’homophobie?
Par : Samuel Larochelle
Sur: www.fugues.com
Je me déteste chaque fois que j’ose juger les gais plus féminins que moi. J’ai honte de dénigrer ceux qui marchent avec un déhanchement rappelant celui de la femme, ceux qui s’habillent avec des tissus supposément interdits à la gent masculine, ceux qui s’expriment avec un registre vocal plus aigu que la moyenne, un timbre nasillard ou une gestuelle intempestive.
Je m’en veux d’être soulagé en me comparant à eux. Grâce au lot de lucidité dont j’ai hérité, je sais que je n’ai pas l’air d’un mâle alpha qu’on pourrait confondre avec un hétérosexuel. Les passants qui me croisent sur la rue peuvent voir dans ma démarche certains signes laissant entrevoir mes préférences pour les hommes (cette idée semble grotesque, mais quiconque possède un gaydar le moindrement affuté sait de quoi je parle). Il suffit que je rigole avec éclat, que je discute avec vigueur ou que je me laisse porter par un vent de bonne humeur pour que mes mains s’animent de façon légèrement évocatrice.
En contrepartie, je suis propriétaire d’une paire de cuisses et d’épaules qu’aucune femme ne voudrait et je suis beaucoup plus grand que Nicole Kidman, même avec ses talons. Mieux encore, je suis doté d’une voix grave de baryton. Je pourrais simplement affirmer que mon registre me permet d’être agréable à entendre quand je fais de la radio, mais ce serait passer sous silence l’avantage principal qu’il me confère : je ne sonne pas « comme un gai ».
J’ai un haut-le-cœur en relisant ma dernière phrase. Je suis le triste reflet d’une société qui tente de se rassurer en définissant des concepts comme la masculinité et la féminité, avec une série de gestes et de réflexes.
Dès ma naissance, j’ai été conditionné à croire qu’un garçon doit parler/bouger/réfléchir d’une certaine façon et que l’inverse est presque automatiquement associé à l’univers féminin. À mon cinquième Noël, j’ai senti (ou imaginé?) le malaise de quelques membres de ma parenté, le soir où ma marraine m’a offert une maison de Barbies. À ma décharge, me suis-je toujours dit ensuite, je passais autant de temps, sinon plus, à jouer avec mes petites autos, mes camions jaunes et mes G.I. Jos. Donc, si je suis la logique ambiante d’une idiotie sans nom qui dicte ce que doivent aimer les filles et les garçons, j’aurais dû me révéler bisexuel. Ou hermaphrodite!
De toute évidence, l’endoctrinement social ne s’est pas arrêté là. J’ai pris conscience de mon homosexualité à l’adolescence, une époque où la survie dépend de la conformité et de l’appartenance au groupe. Ainsi, comme tant d’autres gais, j’ai tu mes préférences et j’ai tout fait pour contrôler mon non verbal pendant des années.
Pire encore, après ma sortie du placard, j’ai continué de juger intérieurement ceux qui s’éloignaient des modèles approuvés par la société. Comme s’il y avait les mauvais gais, maniérés et féminins, et les bons gais. Ces derniers ayant pour objectif de se rappro-cher de la norme globale, afin de compenser leur non-appartenance à l’hétéro normativité, en rappe-lant à tout le monde que même s’ils sont attirés par les hommes, ils sont quand même normaux/ aima-bles/tolérables, parce qu’ils s’arrangent pour ressembler à des mâââles!
Dans un même ordre d’idée, ceux qui se prétendent de « vrais hommes » s’intéressent généralement à des gais du même acabit. Les applications et les sites de rencontres sont inondés de candidats stipulant qu’ils refusent de parler à des gars dits féminins. La plupart des mâââles affirmeront que leurs goûts personnels ne se discutent pas. Mais ont-ils déjà pris le temps d’analyser l’origine de leurs préférences? Ne réalisent-ils pas que la société (parents, amis, école, publicités, films, émissions de télé) oriente leurs perceptions de la masculinité et des icônes de beauté? Bien que les êtres humains soient dotés d’un libre arbitre et qu’une personne puisse être attirée par les gens en surpoids, alors que la norme sociale prône qu’il faille préférer les minces et leur ressembler, au même titre qu’on peut vouloir correspondre aux clichés masculins et coucher avec eux… ces gais ont été contaminés par les paradigmes du monde extérieur.
Au fond, cette attitude anti efféminé ne serait-elle pas une forme différente, insidieuse, mais non moins répréhensible d’homophobie?
Par : Samuel Larochelle
Sur: www.fugues.com